Joseph, espion roux du réel.
Joseph lut un
article dans un journal relatant la parution de la traduction
française d'un ouvrage de Léo Bersoni et Ulysse Dutot intitulé
Arts of Impoverishment et notamment la phrase suivante : « Le
signal profondément original et antimoderniste d'une renonciation à
l'autorité de l'art ». Joseph trouva cette phrase un peu
ronflante et incompréhensible. Il nota dans la marge « Kezacko
« l'autorité » de l'art ? ».
Les jours suivants
alors qu'il cherchait dans un tas de vieux journaux de quoi
envelopper des bouts de cartons afin d'en faire des toiles
postmodernes, Joseph lut un bout d'article racontant un truc au sujet
du Parti socialiste et d'élections sénatoriales où, disait
l'article, « Martine Aubry pourrait mesurer son autorité dans
le parti » dont elle était la secrétaire générale. Joseph
trouvait bizarre toute cette attention à une notion on ne peut plus
floue et à son sens véhiculée par car véhiculant des idées de
droite politique.
Puis, un matin, à
un petit déjeuner où Joseph mangeait des pâtes en prévision d'une
longue marche à pied, Joseph commença pour se détendre la lecture
d'un fascicule trouvé dans la bibliothèque de son père et datant
de 1959. L'ouvrage s'intitulait « Le problème de la vérité »,
avait été articulé par monsieur Réné Mugnier et publié aux
presses universitaires de France dans une collection dite
d'initiation philosophique. Les premières pages était consacré au
doute :
« … M.
Jean Lacroix dans son ouvrage « marxisme, existentialisme,
personnalisme, a consacré des passages tout à fait significatifs à
la nature et à la portée du doute, notamment quand il voit dans le
doute, suivant la formule se Saint Augustin, l'expression de la
liberté même. Mais il ne cache pas que la pratique du doute est et
reste difficile. « Ainsi se dégage la signification
essentielle du doute cartésien. C'est bien une méthode pour nous
élever de la nature matérielle à la nature spirituelle ou, suivant
la terminologie platonicienne, du monde sensible au monde
intelligible ; son rôle est d'abducere mentem a sensibus,
pour reprendre l'expression si souvent employée dans les Lettres. Et
telle est la raison profonde pour laquelle le doute est avant
tout œuvre de volonté, c'est un exercice, une ascèse... »
Nous comprenons mieux alors la révolution opérée par Descartes
dans le domaine philosophique et scientifique : depuis Aristote
et durant toute l'ère scolastique, on avait parfois abusé de la
méthode d'autorité « c'est vrai, parce que le maitre l'a
dit ; Aristoleles dixit ... », mais le maître, fut-il
Aristote, n'est pas infaillible, il a pu se tromper : c'est la
raison pour laquelle, après avoir terminé brillament toutes ses
études proprement scolaires, Descartes a jugé bon et nécessaire de
tout remettre en question, de rejeter tout ce qu'il avait admis
auparavant, afin de l'ajuster au niveau de la raison. Voilà pourquoi
le doute cartésien peut-être considéré comme le point de départ
de la philosophie moderne. » Joseph relut plusieurs fois le
« on avait abusé de la méthode d'autorité » et il lui
sembla qu'il y avait la clef lui permettant de comprendre un tas de
comportement que lui Joseph trouvait risible et débile : toutes
ces petites minettes à des postes subalternes qui lui gueulaient
dessus avec des airs de petits chefs subtils devaient sans doute
avoir recours à une « méthode d'autorité »,tous ces
petits minets qui affirmaient des âneries avec un air de sérieux de
constipé. Joseph n'avait pas encore lu Aristote même si il se
souvenait vaguement d'une voix lui enjoignant de lire « l'éthique
à Nicomaque » dans les couloirs de l'institut d'études
politiques de Lyon. Joseph se disait que ce concept de « méthode
d'autorité » lui permettait de comprendre toute la période
régressive, et à son sens atroce puisque adepte des Lumières, qui
avait déferlé sur l'Europe depuis le changement de siècle et
prenait fin à son sens en 2014. Pour le meilleur, il l'espérait.
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