Les années 70 : les mythologiques : le samedi aprés-midi chez Solange.
Donc Solange insiste, déploie ses
charmes, et je ne sais trop comment je commence à l'accompagner.
Nous passons devant le magasin de sport des parents de Christophe qui
est dans notre classe, devant le photographe qui expose toujours
devant sa boutique les photos des soirées dans les hôtels et des
journées sur les pistes de ski pour que les personnes s'y
retrouvent, s'y voient et achètent des tirages, de l'autre côté de
la rue se trouve le magasin Naville où mon père achète son journal
et son tabac (où ma mère achetait pour mon père son journal et son
tabac) et où près de la caisse est exposé un exemplaire des SAS de
Gérard de Villiers et ses couvertures représentant des femmes
pulpeuses avec des pistolets. Puis nous avons dépassé le magasin
de sports des parents de Cédric qui est ou sera dans notre classe,
et de l'autre coté de la rue qui est devenue très large c'est la
poste toute jaune et la gare avec ses bus et ses petits trains à
cremailliére rouges [lorsque j'aurais peut-être dix-huit ans, je
ferai mon stage ouvrier obligatoire d'école d'ingénieurs dans la
boite qui à Genève fabrique je ne me souviens plus quelles pièces
d'un dispositif technique installés pour gérer la cremaillère de
ces petits trains] Donc en ce samedi midi de l'an peut-être 76,
Solange et moi passons devant les petits trains rouges BVB comportant
des appareillages dont je serrerai les vis au cours d'un mois de
juillet en l'an peut-être 86, appareillage dont j'ignore encore
totalement l'existence puisque je suis préoccupée par les chemins
alternatifs qui se proposent à mon esprit pour retourner à ma
maison alors que Solange poursuit son discours « Allez marche
encore un peu avec moi ! Soit encore un peu avec moi sur ce bout
de chemin où d'habitude tu n'es pas ! » Je ne sais si ce
sont les paroles exactes qu'elle me dit mais je la revois pencher la
tête à chaque embranchement de routes et roucouler pour m'amadouer.
Et je me souviens très bien que je n'étais pas charmée mais que
c'était la curiosité qui me faisait la suivre, la curiosité de
faire autre chose que ce que je faisais d'habitude, juste ouvrir un
coin d'espace. De fil en aiguille et plus précisément suivant le
fil de nos pas, nous sommes arrivés chez Solange ou plus précisément
nous sommes arrivés à l'hotel Montesano que tenait ses parents.
C'était la morte saison, il devait y avoir un ou deux clients dans
l'hôtel : « des habitués ». Dans mon souvenir, il
y a une dominante de couleur vert d'eau dans l'hôtel. Nous sommes
encore dans des hôtels à l'ancienne, bien loin des chaînes
d'hôtels. La bâtisse est de style victorien. Nous allons peut-être
dans les cuisines où se trouvent peut-être le père de Solange qui
alors nous a peut-être préparé des sandwiches, puis la grande sœur
de Solange qui est en classe avec ma soeur est arrivée ou était
déjà là et a dit des choses. Dans mon souvenir, le père de
Solange ne disait rien et avait aussitôt disparu. Puis j'ai du
téléphoner chez moi sans doute parce que la grande sœur de Solange
a dit que je devrais le faire. Là, ma maman m'a dit qu'ils avaient
été très inquiets, que mon papa m'avait cherché partout, que je
n'aurais pas du suivre Solange, qu'elle aurait du m'accompagner à ma
maison et demander à ma maman si elle pouvait m'inviter, mais, que
bon , ils étaient content que je n'ai rien et que si je passais une
journée agréable tout allait bien, mais que la prochaine fois, je
devrais les prévenir, ensuite nous sommes allées dans une pièce
qui était peut-être la salle à manger mais qui était vide, il y
avait du vieux parquet de bois au sol. Il y avait peut-être des
sortes de canapé mais aussi des grandes bâches de drap blanc et
peut- être de plastique. Il est fort possible que ma mémoire
déforme ou agrége d'autres images vues par la suite ; tant il
est vrai que l'hôtel en morte saison est un cliché du cinéma
d'auteur. Nous étions assises et regardions la télé. Caroline qui
était dans notre classe est arrivée et si elle ne l'a pas dit, l'a
pensé si fort que nous l'avons tous entendu « Qu'est-ce
qu'elle fait là, celle-là ? » Solange a dit que c'était
elle qui m'avait invité. Puis nous avons regardé un nouveau
feuilleton avec Véronique Jeannot et Medhi. Medhi avait été le
Sébastien de « Belle et Sébastien », puis avait été
un des héros des aventures de « Polly le poney », il
était le fils de la scénariste de ces feuilletons dont le nom était
peut-être Aubry, et là, toujours dans un feuilleton peut-être
encore écrit par sa mère, il faisait réapparition sur nos écrans,
il était devenu un jeune homme. Solange et Caroline parlait de
l'histoire du feuilleton qu'elles suivaient ; et pourquoi
véronique Jeannot fait cela, et pourquoi Medhi fait cela, est-ce que
cela signifie qu'ils sont amoureux ? Mais pourquoi faire ainsi ?
Etc . Il m'avait semblé que Caroline se posait toutes ses
questions et que Solange lui répondait mais n'accordait pas plus
d'importance que cela aux réponses. Solange faisait juste passer le
temps. Caroline avait aussi apporté des papiers brillants violets et
argent qu'elle avait du acheter chez Kunst pour faire je ne sais plus
quoi. Puis elle est partie, puis Solange et sa sœur m'ont fait
visiter l'hôtel, les chambres (je me souviens de « la chambre
de la Comtesse », il existait encore à cette époque des
résidus de l'aristocratie européenne qui vivaient et séjournaient
ici et là encore selon leurs habitudes et bonnes manières, mais ils
étaient en voie d'extinction remplacés depuis longtemps par les
riches bourgeois qui les mimaient). Il me semble que nous avons aussi
visiter le grenier et les salles basses avec les machines à laver.
Puis la mère de Solange a du arriver, elle revenait de la ville et
avait acheté plein de choses, elle avait un tas de sacs qu'elle a
posé sur un lit d'une chambre où nous étions, nous sommes
allongées et elle a sorti les choses des sacs pour nous les montrer,
je ne me souviens plus du tout de son visage ni de son corps si ce
n'est qu'elle était parfumée. Puis Solange et Marie José ont du me
demander dans quelle chambre je voulais dormir puis je ne sais plus
trop, puis je me souviens m'être réveillée assez tôt, m'habiller
et vouloir partir. Je suis arrivée devant la porte d'entrée de
l'hôtel mais elle était fermée et j'ai vu alors Solange enveloppée
dans un édredon dormant dans la loge du gardien. J'ai du sonner,
Solange était comme ma sœur au matin « brumeuse », elle
m'a dit que je devrais attendre, qu'il y avait des croissants dans la
cuisine mais j'ai dit que je voulais partir. Solange a ralé, a
appuyé sur un bouton et la porte s'est débloquée. Dehors, c'était
jour blanc et il neigeait et j'ai ressenti une immense joie d'être
dehors. Je suis rentrée chez moi et dans mon souvenir, suis tombée
sur mon papa qui était content de me voir, m'a dit qu'il m'avait
cherché partout, qu'il avait été inquiet, qu'ils avaient gardé ma
part de fondue, il est descendu à la cave et a remonté le caquelon
où je pouvais voir le fromage froid et mon père m'a demandé si je
voulais qu'il fasse réchauffer la fondue. Je ne sais pas ce que j'ai
répondu. Et après je ne sais pas, ma mère et ma sœur ont du se
réveiller.
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