Papy MEUJOT lit les journaux.


Papy MEUJOT lisait l'article écrit par mademoiselle Camille LAURENS dans le journal papier Libération du week-end qui coûtait deux euros et soixante dix centimes pièce. Madame Camille LAURENS y évoquait un spot publicitaire réalisé et interprété par monsieur BEIGDEBERpour vendre des culottes de femmes et critiquait lesreprésentations et les clichés qui y étaient assénés notammentau sujet des femmes et des écrivains. Ce n'était pas la première fois que Papy MEUJOT éprouvait un décalage au sujet de propos critiques émis au sujet des publicités. Il se rappelait d'un article publié dans le journal Libération critiquant vertement une publicité pour la radio Europe numéro 1 où le journaliste s'était évertué à démontrer que les tweets apparaissant dans les pubs et disant du bien de la radio émanaient de comptes de personnes liées professionnellement à la radio et donc que la pub mentait. Papy MEUJOT s'était alors demandé qui, au début du XXI e siècle, pouvait bien croire le contraire. Il semblait entendu à Papy MEUJOT que la publicité,  « la réclame », est destinée à faire acheter un produit, à rendre sympathique une marque, à mettre et le produit et la marque dans la tête des personnes ici ou là afin de les rendre familiers et reconnaissables dans le monde froid, inerte et désormais quasi infini des marchandises industrielles, et que si chacun est ainsi conditionné et formaté, personne n'est vraiment dupe même si dupé... « La réclame ne s'est jamais targuée d'informer les publics pour ce que j'en sais ... la publicité ne s'est jamais réclamée de l'ordre de la connaissance scientifique ou académique, elle véhicule juste des mises en scène, des mises en situation valorisantes pour les produits ou les marques... Pourquoi des personnes plus ou moins éduquées s'énervent-elles de ce que la pub mente ou surfe sur des gros clichés ? »
Josette avait expliqué à Papy MEUJOT que sa génération avait grandi avec l'émission de télévision Culture Pub ou avec les soirées cinéma des nuits des publivores organisées par un collectionneur de spots publicitaires qui avaient réussi à leur faire croire, un temps seulement, au caractère créatif de la pub, à son côté avant-garde et fun, culturel, etc., blabla. « Si les Eglises avaient pu commander des œuvres à des artistes qui en avaient fait des chefs d’œuvres, pourquoi le capital et les marchandises ne pourraient-ils faire la même chose pour des artistes du XXe siècle ? . Un bon gros dégueulis de conneries pour dissimuler qu'il s'agissait de manipulation, de séduction et de pognon. L’ambiguïté était de nous faire croire que l'art n'était pas autre chose que cela, de la manipulation, de la séduction et du pognon, que la différence était juste d'intensité et de modalités. C'était peut-être qu'à l'époque la superposition était possible, aujourd'hui le hiatus est visible : l'art, les arts n'ont rien à voir avec la publicité ou les réclames sauf que la publicité a tout envahi jusqu'aux lieux d'exposition et de présentation, jusqu'au mental des responsables des lieux et des publications... » Josette avait également expliqué à Papy MEUJOT que sa génération avait tellement été baignée dans des représentations et imageries diverses de l'artiste maudit cher au XIXe siècle que l'image de l'artiste qui gagne du fric et fait du fric en tournant des pubs leur était apparue comme cool : «  à quoi bon se flageller pour l'art ? , se disait-on. Nous étions juste des gros imbéciles … Mais bon, c'était notre jeunesse, et je ne la renie pas. », avait dit Josette. Toutefois, Papy MEUJOT soupçonnait le problème d'être bigrement plus compliqué : « Mademoiselle Camille LAURENS pourrait au moins rire du caractère hautement fictif de la mise en scène d'une jeune fille de vingt ans virevoltante de désir sexuel autour de monsieur Frederic BEIGDEBER ! , disait-il pour tenter de déjouer le mal de tête qu'il pressentait apparaître s'il persistait à songer au problème. Il est simplement que monsieur BEIGDEBER s'est fait plaisir en se représentant comme objet de désir d'une jeune nymphette portant culotte à vendre, le tout développé à la louche et en gros clichés : plus c'est gros, plus çà passe (et je ne parle pas de sexe) ! Est-ce que ce ne serait pas juste cela qui serait insupportable à madame LAURENS, cette possibilité-là qu'elle ne s'accorde pas à elle-même ? »
Josette avait fait remarquer à Papy MEUJOT que son raisonnement était foireux : « à mon avis, ce qui énerve madame LAURENS est que cette pub qui vise des femmes allant s'acheter des culottes en supermarché n'est pas faite par une femme et ne mette pas en scène le désir d'une femme mais le désir d'un homme. C'est pour plaire au désir d'un homme qu'elles iront s'acheter ces culottes, et non pas parce qu'elles en auraient besoin pour épandre leur propre désir. » Papy MEUJOT restait dubitatif face aux arguments de Josette ; s'il évitait la conversation concernant les problématiques du genre du désir qu'il estimait être un œuf de Colomb, il avait essayé d' expliquer à Josette et en vain qu'il s'agissait juste de vendre des culottes et que tout cela n'avait aucune importance puisque, de toutes les façons, « la pub est débile et débilitante ». Car comme n'a pas eu le temps de le dire PASOLINI : « Mon cinéma s'adresse aux peuples et la publicité s'adresse aux masses. » Mais Josette n'en démordait pas : « Raison de plus, disait-elle, si la publicité est débile, de confier à une femme la conception d'une pub destinée à faire acheter des culottes de femme ! Ceci dit, je te l'accorde, Papy MEUJOT, la LAURENS n'est pas clair. Elle prend tout cela trop au sérieux ! Pour ce que j'en ai compris, elle voudrait, en fait, que la pub véhicule des représentations où la femme écrivain de plus de quarante cinq ans soit désirable afin de se croire, elle-même, désirée par le main stream social [le flux social principal], peu ou prou, quelque chose comme cela...blablabla...Elle voudrait que les uns et les autres soient conditionnés, entre autres par les publicités, à trouver les femmes écrivains de plus de quarante cinq ans désirable ce qui est stupide puisqu'en général est l'antidote du désir... Et toi Papy MEUJOT, qu'est-ce que tu concevrais comme spot de pub pour vendre des culottes de filles ? » Papy MEUJOT ne répondit pas à la question, il se souvint avoir entendu parler de ces adolescentes japonaises qui vendaient leurs culottes déjà portées dans des boutiques spécialisées qui les revendaient ensuite « toutes chaudes » à des messieurs qui les sniffaient. « Il y a de l’énergie déposée dans la culotte de jeune fille » avait expliqué un japonisant à Papy MEUJOT qui n'en avait cru ses oreilles. Lui et Josette ne trouvèrent pas d'issue satisfaisante à leurs esprits à cette conversation concernant les petits problèmes de l'individu Camille LAURENS exprimés et publiés dans le journal LIBERATION.
« La question est mal posée, c'est pour cela que la solution n 'est pas trouvée, » se dira Papy MEUJOT, plus tard, alors que se réveillant en pleine nuit, dégoulinant de sueur et bandant : il écrira alors une phrase sur un bout de papier et se rendormira satisfait malgré la pression. Le lendemain, il aura tout oublié et jettera dans la corbeille un bout de papier griffonné et illisible trouvé sur sa table de chevet.

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