Les années 70, le jour où j'ai eu vingt sur vingt en dictée.




En l'an 79 du siècle vingt, un vendredi, le soleil brillait, la professeur de français rendait les copies et j'ai reçu la mienne avec un vingt sur vingt en dictée. Mes copines d'internat ont tiqué, « ce n'est pas possible » « il doit y avoir des fautes » « tu ne peux pas avoir vingt en dictée », j'ai ressenti un truc bizarre mais c'était vendredi, et j'ai ensuite pris le bateau reliant Evian à Lausanne, le « métro » reliant Ouchy à la Gare de Lausanne, le train jusqu'à Bex, puis le train à crémaillère jusqu'à Villars-sur-Ollon où m'attendait mon père ou ma mère pour rejoindre ensemble le chalet. Le dimanche soir, sur le bateau, FP m'a ignoré et dès lors qu'à l'internat, j'ai du me rendre à l'évidence que « mes copines » me faisaient « la gueule ». Le hasard avait voulu qu'une ou deux semaines auparavant, une pionne (une surveillante d'internat) qui avait à cœur de casser les noyaux durs de celles qui foutent le bordel après l'extinction des feux (soit l'extinction des lumières en néon), le hasard avait voulu qu'une pionne nous avait fait changer de place dans la chambre à sept où nous dormions, chambre où nous étions sept filles en classe de cinquième et sixième du collège, chambre jouxtant une tourelle où se trouvaient quatre filles de cinquième et sixième, le tout juste à côté du grand dortoir de cent places ou se trouvaient majoritaires les BEP secrétariat et comptabilité, sans oublier les trois autres tourelles comprenant chacune quatre lits, bien sûr, le tout sur trois étages... les bâtiments de notre internat étant le château au bord du Lac Léman que mademoiselle Anna de Noailles avait bien voulu donner à l'Etat français.(CF. Les épisodes précédents).
Bref, si mes copines me faisaient la gueule, le hasard m'avait déjà conduit à parler avec d'autres soit Sylvie D. et Isabelle S, mes nouvelles voisines de chambrée qui devinrent mes nouvelles copines Elles étaient toutes deux arrivées en cours d'années, portaient des talons haut et n'étaient pas exactement assidues en classe. Isabelle devait avoir « deux ans de retard  à l'école »(elle devait avoir deux ans de plus que nous soit quatre ans de plus que moi), elle fumait des cigarettes (nous étions en cinquième). Elle portait toujours des pulls angora ou cashmere à même la peau sur des jeans moulants et des talons hauts ; elle était plutôt une belle fille, déjà femme et les garçons de troisième, seconde et classes suivantes l’appelaient « la chèvre », en bavant : son nom de famille était Seguin. Il y avait une histoire glauque mais je m'en souviens mal : sa mère était peut-être mortew et son père avait déménagé, elle était chez sa grand-mère en attendant de rejoindre son père... Une histoire de la sorte... À peu près ou pas du tout ... Des histoires de papier administratif en attente et de scolarisation obligatoire, des histoires couchées sur du papier bien que presqu'à coucher dehors.
Je me souviens du rire d'Isabelle lorsque Katia qui dormait aussi dans la chambre à sept et s'était un autre jour empressée de nous faire notre éducation sexuelle en levant sa chemise de nuit et s'écartant les pattes pour nous expliquer quelles étaient les différentes fonctions de la quasi-trinité de trous que nous avions entre les jambes : « c'est par là que le pipi s'écoule », « c'est par là que sortent les enfants », « là c'est pour faire caca » et « c'est là où sortent les enfants que le garçon met son zizi », Mais la leçon avait été abrégé par la pionne qui avait demandé à Katia ce qu'elle faisait, la chemise de nuit relevée, les jambes écartées, et s'éclairant le sexe à l'aide d'une lampe de poche ; Je me souviens du rire d'Isabelle lorsque Katia se targuait d'avoir déjà couché avec un garçon alors, qu'exceptée Isabelle, nous en étions plutôt à n'avoir jamais embrassé un garçon ; Je me souviens du rire d'Isabelle lorsque celle -ci demanda à Katia quelle preuve elle avait d' « avoir déjà couché » ; Je me souviens du rire d'Isabelle lorsque Katia répondit « une bague » . Un rire telle une tornade qui se déploie dans la pièce et touche une à une toutes les filles de la pièce, un rire énorme et terriblement joyeux ...« hahaha...une bague … hahaha»....
Un jour, un prof de peut-être histoire et géographie avait demandé à Isabelle s'il ne la dérangeait pas en lui posant une question sur le cours alors qu'elle contemplait l'extérieur de toute la force de sa puissance vide et elle avait répondu qu'un peu mais que ce n'était pas grave. Puis Isabelle était partie. Sylvie D., elle, était lyonnaise, ses parents divorçaient, c'était un peu compliqué et en attendant elle était également en pension chez sa grand-mère. Dans mon souvenir , Sylvie D. avait toujours des espèces de costume en jupe plissée qu'elle portait sur des bottes à talons hauts. Pour des vacances du mois de mai, je suis allée avec Sylvie D. à Villeurbanne chez sa mère. Ses parents tenaient une agence matrimoniale et sa mère les bureaux de l'agence de Villeurbanne. Sa mère habitait un immeuble, peut-être aux Gratte-Ciel, et était folle amoureuse d'un flic en civil qui passait la voir et nous montrait son pistolet. J'ai vu le père de Sylvie D. quelques secondes, il nous a donné de l'argent et l' adresse d'une sorte d'entrepôt pour trouver des T shirts disco. Un jour, nous sommes restées seules, Sylvie et moi, dans le bureau de sa mère, « et surtout vous ne touchez à rien, je ne devrais pas vous laisser seules là, vous comprenez, vous ne touchez à rien, je vous fais confiance. » et nous nous sommes empressées de fouiller dans les tiroirs et regarder les photos dans les dossiers des clients (oh p'tain la gueule du mec ! Oh lala la vise un peu la pose de la nana) ; c'est là que nous sommes tombées sur le tiroir du bas où se trouvaient les dossiers des couples qui cherchaient d'autres couples. A l'époque, nous n'avons pas trouvé cela drôle, cela nous avait calmé net. Comme trouver un truc qui paraît trop compliqué à moins que pas joli à regarder.
Et tout cela, je ne l'aurai su, ni prêté attention si mes premières copines d'internat ne m'avaient pas fait la gueule parce que j'avais eu vingt sur vingt en dictée et que « cela ne se fait pas ». Sans ce vingt sur vingt en dictée, je n'aurais jamais su si tôt de quel côté se trouvent les imbéciles. A moins que je ne l'avais eu oublié entre temps.

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