Louise et les chics types en stéréo, ou le bovarysme sifflera trois fois.



Louise poursuivait la lecture du livre de photographies de cent ans d'histoire de France racontée par Emmanuel BERL . L'article s'intitulait « LA SCIENCE CHANGE LE MONDE SANS LE COMPRENDRE » :
« On aurait pu craindre que la littérature et l'art, du fait qu'ils se détournaient du rationalisme, ne se mettent en conflit avec la science. Il n'en fut rien. La science du Xxe siècle réalise des progrès fulgurants, mais loin de confirmer les doctrines arrogantes du XIXe siècle, ses progrès mêmes accroissent la modestie des savants. Les découvertes d'Henri POINCARÉ, de PLANCK, de HEISENBERG, la théorie des quanta, la mécanique ondulatoire, le théorie einsteinienne de la relativité font penser que la science peut calculer des probabilités, grouper les données de l'expérience en des systèmes cohérents et commodes, mais non pas saisir le réel, ni même y prétendre.
L'univers devient de mieux en mieux exploré, il n'en reste pas moins inconnu et incompréhensible. La découverte du radium par Pierre et Marie CURIE semble apporter un démenti supplémentaire aux principes rationnels de la physique classique. Les découvertes de PERRIN sur la structure des atomes ne font pas que la matière soit moins mystérieuse, mais qu'elle le devient davantage. Elle semble se résorber dans l'energie, la vitesse, la lumière.
De même, la génétique nouvelle de WEISMANN, de MORGAN, de MENDEL – tardivement honoré – ajoute au mystère de la vie plus qu'elle ne le dissipe ; car il était sans doute plus facile de comprendre comment l'action du milieu extérieur transforme les animaux et les plantes que de comprendre comment les gènes et les chromosomes commandent leurs structures et leurs destins. C'est pourquoi le lamarkisme reparaît toujours, quoique que réfuté.
La psychanalyse ne simplifie pas davantage, mais au contraire, obscurcit et complique l'idée que le psychologue pouvait se faire de la psyché, qui est à la fois l'histoire de l'individu et tout autre chose que cette histoire.
L'archéologie récolte une moisson prodigieuse, mais cette moisson complique plus qu'elle ne simplifie l'idée que l'historien pouvait de faire de la civilisation.
Bref, dans tous les domaines, la science accroît démesurément le pouvoir de l'homme sur le monde, mais, si l'homme sait, et peut de plus en plus, il comprend de moins en moins.
C'est pourquoi on a pu parler de la « faillite de la science » dans les premières années du XXe siècle qui resteront probablement, dans l'histoire, comme un âge d'or de la science.
De plus en plus, elle va développer l'angoisse des hommes, en même temps que leur orgueil ; leur domination sur le monde s'affirme, jusqu'à permettre la construction des bombes atomiques et des fusées interplanétaires, mais ce monde leur paraît absurde en même temps que dominé.
Cette modestie superbe du savant moderne se manifeste dès les années 1900. Paradoxalement, le triomphe de la science signifiera, désormais, la fin de l'époque des « lumières » qu'avaient inaugurée les Encyclopédistes et qu'avait prophétisée DESCARTES ».

« Pourquoi ai-je l'impression que ce texte parle de l'époque actuelle ? » se demandait Louise.

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