Les années 70 : les mythologiques : le samedi aprés-midi chez Solange.


Dans les années 70, peut-être en l'an 76, je rentrais de l'école avec Solange comme tous les jours. Nous sortions de l'école en longeant les tennis, puis nous passions devant une laiterie, puis devant le cinéma où parfois nous nous arrêtions pour regarder les photos, puis devant une taverne, qui s’appelait peut-être « le Central » et faisait face à un marchand de sirupeux d'où nous regardaient Johnny Walker et Black and white, ensuite il y avait un marchand de journaux, de bonbons, de bibelots et d'images Panini, puis le supermarché la COOP, qui faisait face à des magasins de vêtements de ski, et une horlogerie-bijouterie, puis il y avait le Sporting, qui était un bar et club de nuit où Timothey Leiry a pu venir faire des conférences, puis nous passions devant chez Kunst où se trouvaient les grandes boites de peut-être cinquante crayons de couleurs Caran d'Ache et surtout les grandes boites de feutres Fibralo, puis devant une droguerie où ma maman achetait les produits Weleda, puis une boulangerie, puis un magasin de vêtement puis c'était le grand pont d'où l'on pouvait voir en se penchant et de biais le chalet où j'habitais, pont sur lequel étaient accrochés nombre de drapeaux de pays du monde et qui me rappelaient les premières pages du dictionnaire Larousse . De l'autre côté, se trouvait la Pharmacie Fleury, la boulangerie-patisserie Heiz, l'escalier menant au Villars-Palace qui avait été racheté par le Club Méditerranée, puis nous passions devant un bureau de tabac, un salon de thé, l'office du tourisme, le supermarché Chez Viret, puis je ne sais trop quoi et là nous arrivions en haut d'un escalier de béton qui menait à la pièce où récupérer et faire régler les skis du magasin de sport et de location de ski des parents de Christophe qui était dans notre classe, puis en bas de l'escalier se trouvait un pressing tenu par une femme avec des lunettes rondes et un chien type Lassie. C'était à cet endroit que je saluais Solange en lui disant à tout à l'heure ou à demain. Mais ce samedi midi là, Solange me dit que ce n'était pas juste, qu'elle devait toujours faire tout un bout de chemin toute seule et que pour une fois je pourrais l'accompagner un peu plus longtemps. A vrai dire, j'avais moi-même encore tout un bout de chemin à faire toute seule, mais j'avais deux ans de moins que Solange et n'était pas encore rompue (voire corrompue) à l'art de la négociation et de l'argumentation. Et il était vrai que Solange habitait beaucoup plus loin.
Donc Solange insiste, déploie ses charmes, et je ne sais trop comment je commence à l'accompagner. Nous passons devant le magasin de sport des parents de Christophe qui est dans notre classe, devant le photographe qui expose toujours devant sa boutique les photos des soirées dans les hôtels et des journées sur les pistes de ski pour que les personnes s'y retrouvent, s'y voient et achètent des tirages, de l'autre côté de la rue se trouve le magasin Naville où mon père achète son journal et son tabac (où ma mère achetait pour mon père son journal et son tabac) et où près de la caisse est exposé un exemplaire des SAS de Gérard de Villiers et ses couvertures représentant des femmes pulpeuses avec des pistolets. Puis nous avons dépassé le magasin de sports des parents de Cédric qui est ou sera dans notre classe, et de l'autre coté de la rue qui est devenue très large c'est la poste toute jaune et la gare avec ses bus et ses petits trains à cremailliére rouges [lorsque j'aurais peut-être dix-huit ans, je ferai mon stage ouvrier obligatoire d'école d'ingénieurs dans la boite qui à Genève fabrique je ne me souviens plus quelles pièces d'un dispositif technique installés pour gérer la cremaillère de ces petits trains] Donc en ce samedi midi de l'an peut-être 76, Solange et moi passons devant les petits trains rouges BVB comportant des appareillages dont je serrerai les vis au cours d'un mois de juillet en l'an peut-être 86, appareillage dont j'ignore encore totalement l'existence puisque je suis préoccupée par les chemins alternatifs qui se proposent à mon esprit pour retourner à ma maison alors que Solange poursuit son discours « Allez marche encore un peu avec moi ! Soit encore un peu avec moi sur ce bout de chemin où d'habitude tu n'es pas ! » Je ne sais si ce sont les paroles exactes qu'elle me dit mais je la revois pencher la tête à chaque embranchement de routes et roucouler pour m'amadouer. Et je me souviens très bien que je n'étais pas charmée mais que c'était la curiosité qui me faisait la suivre, la curiosité de faire autre chose que ce que je faisais d'habitude, juste ouvrir un coin d'espace. De fil en aiguille et plus précisément suivant le fil de nos pas, nous sommes arrivés chez Solange ou plus précisément nous sommes arrivés à l'hotel Montesano que tenait ses parents. C'était la morte saison, il devait y avoir un ou deux clients dans l'hôtel : « des habitués ». Dans mon souvenir, il y a une dominante de couleur vert d'eau dans l'hôtel. Nous sommes encore dans des hôtels à l'ancienne, bien loin des chaînes d'hôtels. La bâtisse est de style victorien. Nous allons peut-être dans les cuisines où se trouvent peut-être le père de Solange qui alors nous a peut-être préparé des sandwiches, puis la grande sœur de Solange qui est en classe avec ma soeur est arrivée ou était déjà là et a dit des choses. Dans mon souvenir, le père de Solange ne disait rien et avait aussitôt disparu. Puis j'ai du téléphoner chez moi sans doute parce que la grande sœur de Solange a dit que je devrais le faire. Là, ma maman m'a dit qu'ils avaient été très inquiets, que mon papa m'avait cherché partout, que je n'aurais pas du suivre Solange, qu'elle aurait du m'accompagner à ma maison et demander à ma maman si elle pouvait m'inviter, mais, que bon , ils étaient content que je n'ai rien et que si je passais une journée agréable tout allait bien, mais que la prochaine fois, je devrais les prévenir, ensuite nous sommes allées dans une pièce qui était peut-être la salle à manger mais qui était vide, il y avait du vieux parquet de bois au sol. Il y avait peut-être des sortes de canapé mais aussi des grandes bâches de drap blanc et peut- être de plastique. Il est fort possible que ma mémoire déforme ou agrége d'autres images vues par la suite ; tant il est vrai que l'hôtel en morte saison est un cliché du cinéma d'auteur. Nous étions assises et regardions la télé. Caroline qui était dans notre classe est arrivée et si elle ne l'a pas dit, l'a pensé si fort que nous l'avons tous entendu « Qu'est-ce qu'elle fait là, celle-là ? » Solange a dit que c'était elle qui m'avait invité. Puis nous avons regardé un nouveau feuilleton avec Véronique Jeannot et Medhi. Medhi avait été le Sébastien de « Belle et Sébastien », puis avait été un des héros des aventures de « Polly le poney », il était le fils de la scénariste de ces feuilletons dont le nom était peut-être Aubry, et là, toujours dans un feuilleton peut-être encore écrit par sa mère, il faisait réapparition sur nos écrans, il était devenu un jeune homme. Solange et Caroline parlait de l'histoire du feuilleton qu'elles suivaient ; et pourquoi véronique Jeannot fait cela, et pourquoi Medhi fait cela, est-ce que cela signifie qu'ils sont amoureux ? Mais pourquoi faire ainsi ? Etc . Il m'avait semblé que Caroline se posait toutes ses questions et que Solange lui répondait mais n'accordait pas plus d'importance que cela aux réponses. Solange faisait juste passer le temps. Caroline avait aussi apporté des papiers brillants violets et argent qu'elle avait du acheter chez Kunst pour faire je ne sais plus quoi. Puis elle est partie, puis Solange et sa sœur m'ont fait visiter l'hôtel, les chambres (je me souviens de « la chambre de la Comtesse », il existait encore à cette époque des résidus de l'aristocratie européenne qui vivaient et séjournaient ici et là encore selon leurs habitudes et bonnes manières, mais ils étaient en voie d'extinction remplacés depuis longtemps par les riches bourgeois qui les mimaient). Il me semble que nous avons aussi visiter le grenier et les salles basses avec les machines à laver. Puis la mère de Solange a du arriver, elle revenait de la ville et avait acheté plein de choses, elle avait un tas de sacs qu'elle a posé sur un lit d'une chambre où nous étions, nous sommes allongées et elle a sorti les choses des sacs pour nous les montrer, je ne me souviens plus du tout de son visage ni de son corps si ce n'est qu'elle était parfumée. Puis Solange et Marie José ont du me demander dans quelle chambre je voulais dormir puis je ne sais plus trop, puis je me souviens m'être réveillée assez tôt, m'habiller et vouloir partir. Je suis arrivée devant la porte d'entrée de l'hôtel mais elle était fermée et j'ai vu alors Solange enveloppée dans un édredon dormant dans la loge du gardien. J'ai du sonner, Solange était comme ma sœur au matin « brumeuse », elle m'a dit que je devrais attendre, qu'il y avait des croissants dans la cuisine mais j'ai dit que je voulais partir. Solange a ralé, a appuyé sur un bouton et la porte s'est débloquée. Dehors, c'était jour blanc et il neigeait et j'ai ressenti une immense joie d'être dehors. Je suis rentrée chez moi et dans mon souvenir, suis tombée sur mon papa qui était content de me voir, m'a dit qu'il m'avait cherché partout, qu'il avait été inquiet, qu'ils avaient gardé ma part de fondue, il est descendu à la cave et a remonté le caquelon où je pouvais voir le fromage froid et mon père m'a demandé si je voulais qu'il fasse réchauffer la fondue. Je ne sais pas ce que j'ai répondu. Et après je ne sais pas, ma mère et ma sœur ont du se réveiller.






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